La vie, c’est comme un album photos, on ne peut pas juger quelqu’un avec un seul cliché !
La vie, c’est comme un album photos. C’est comme une succession de clichés mis les uns à côté des autres. Lorsque l’on crée un album, on sélectionne les photos qui nous mettent le plus en valeur et qui sont bien prises. Et on planque les photos floues, ratées, où notre bourrelet se voit trop, où on a le maquillage qui coule, où on n’est pas sous notre meilleur profil. Soit à la poubelle, soit dans l’antichambre de la poubelle, cette grosse boîte où se réunissent pêle-mêle nos premiers pas à St Malo avec un doigt sur l’objectif, la photo mal cadrée d’un selfie ado et les 12 cartes de vœux de 2012 qu’on n’a jamais envoyées. Mais ce n’est pas parce qu’on planque les photos ratées qu’elles n’existent pas. Ce n’est pas parce qu’on met en valeur certaines photos qu’on doit complètement nier l’existence des autres. Bon, pour un album, je continuerai à sélectionner mes préférées parce que je veux un beau résultat mais si je parle de l’album photos de ma vie, j’ai envie d’en accueillir tous les clichés. J’essaierai toujours de montrer mes plus beaux clichés, ce qui me met le plus en valeur, ce dont je suis le plus fière mais j’arrêterai cet effort vain de vouloir planquer au monde et à moi-même mes clichés ratés. Parce qu’ils font partie de qui je suis.
Mon anecdote pour illustrer ce concept: on m’a souvent dit enfant que j’étais gourde. Je n’avais pas l’esprit pratique. Par rapport à ma sœur jumelle qui était très serviable et très efficace, en un mot: dégourdie. (Big-up Mathilde !) J’ai longtemps pensé que c’était mieux d’être dégourdie que gourde et j’ai donc fait beaucoup d’efforts pour devenir dégourdie moi aussi. Mais il m’arrive encore très souvent d’oublier des trucs, d’être maladroite, à l’ouest… Et je me juge sévèrement et me corrige. L’autre jour, une copine me fait remarquer un de mes oublis et me dit « oh la la qu’est-ce que t’es gourde, mais qu’est-ce que t’es gourde. » Je crois même qu’elle a ajouté une troisième fois: « t’es vraiment gourde. » Je garde ma contenance mais intérieurement, je me sens sur la défensive: « Non, je ne suis pas gourde, elle n’a pas le droit de me dire ça, je dois lui prouver le contraire. » Ou encore défaitiste « mais je n’arriverai jamais à me sortir de cette image de gourde. » Et pour finir, vindicative: « ça se fait trop pas de me dire ça, ça lui arrive jamais d’oublier quelque chose ? Je saurai lui faire remarquer ses manquements à la prochaine occasion. »
Le fait est que j’ai énormément de photos de moi gourde quand j’étais enfant et jusqu’à aujourd’hui. Je peux effectivement créer un gros album gourde avec tous les clichés de moi où je suis gourde. Ce serait assez marrant d’ailleurs. Mais j’ai aussi un album avec pleins de photos de moi où je suis dégourdie. C’est l’album que je veux montrer à tout le monde. C’est l’album que je veux qu’on voit de moi. Je crois même qu’il est plus épais que l’autre aujourd’hui. Je veux même qu’il soit assez épais pour planquer mon album « gourde ». Mais peu importe le nombre de clichés « dégourdie », cela n’effacera jamais mon album « gourde » qui continuera à se remplir aussi.
En revanche, si je regroupe les deux en un seul et même album, je peux enfin voir que je suis les deux. Je suis gourde ET dégourdie. L’un n’annule jamais l’autre. Les deux potentialités existent en moi. Une photo ne définit pas qui je suis, elle montre juste une facette de moi à un instant t. Je peux donc accepter que ce cliché de moi montre ma facette gourde. Je peux donc accepter qu’on me juge sur une photo, je peux moi-même me trouver gourde sur ce coup-là et ce d’autant plus légèrement que je sais que je ne suis pas que cette photo, je suis tout l’album.